La Rochelle- L'île de Ré (récit)

Publié le par Rico

La Rochelle- l’Île de Ré

Arrivé à la Rochelle le samedi avec mon vieux pote Jérôme (que je remercie au passage d’avoir accepté de perdre son weekend pour m’accompagner sur place), j’avais effectué un petit repérage sur la zone de départ pour l’épreuve prévue le lendemain. Ce n’était pas très engageant. Sous un beau soleil, j’avais pris toute la mesure de la distance qui sépare le continent de l’Île de Ré, parcours choisi par le club « Subaqua » de la Rochelle pour organiser cette course en mer atypique. « Ca fait une belle promenade pour un amateur … » Me disais-je alors … En plus, ce jour là, l’Océan était assez agité. Et pour couronner le tout, nous nous étions rendus sur place à marée haute et la zone de départ était totalement noyée. J’étais tout de même un peu confiant. D’abord parce que j’avais régulièrement consulté la « Mét’ » toute la semaine et que les prévisions étaient favorables le jour de la course, ensuite parce que j’avais eu l’excellente idée de réserver une chambre d’hôtel avec vue sur l’Océan : le dimanche matin, au lever, il me suffirait d’ouvrir les rideaux de la chambre pour me faire immédiatement une idée sur la question.

Le lendemain, jour de la course, nous revenons sur place. Le ciel est gris et l’Océan est calme. Ca commence plutôt bien. La météo donne une température extérieure de 14° pour une température de 17° dans l’eau. L’équation est bonne et je décide de ne pas mettre ma « souris » (veston en néoprène sans manches que je mets sous ma combinaison pour me protéger du froid)  Comme d’habitude, je suis un peu stressé au moment de l’inscription et du retrait du bonnet. Les gens arrivent peu à peu et je ne peux pas m’empêcher d’essayer de « jauger » mes adversaires. Je sais, ça ne sert à rien, mais c’est une manie dont j’ai du mal à me défaire : observer les autres, leur matériel… Bref. Analyser les forces en présence quoi…

Pour me détacher de l’ambiance et commencer à me mentaliser, à « entrer dans l’épreuve », je débute mon échauffement à sec. Je pars donc en trottinant et je m’éloigne du groupe des concurrents. Tout en courant, je vide mon esprit et je me motive. L’effet est immédiat. En revenant sur le site, je suis remonté à bloc. Etirements, échauffement des épaules et je m’habille. Le timing est presque parfait car dès que je suis habillé on appelle les nageurs sur la zone de départ. Ce matin, la marée est basse et on aperçoit une sorte de construction qui était noyée sous l’eau hier après midi. Je pense qu’il doit s’agir des vestiges d’une installation militaire de la secondes guerre mondiale (mon ami Patrice du « Sommeil des Epaves » nous aurait éclairé des ses lumières à ce sujet . . . ) En fait, en se retirant, l’Océan créée, à cet endroit, une sorte de chenal depuis lequel nous allons nous élancer pour la traversée. Je me mets en place et, comme à Sète, je cherche à me positionner dans les premiers pour éviter les collisions et les remous créés par les palmes des autres nageurs. En m’immergeant  je suis agréablement surpris par la température de l’eau que je trouve plutôt bonne. Forcément. Elle est plus chaude que la température de l’air. Je fais quelques mètres en nageant : on a aucune visibilité dans l’eau qui est vraiment, mais alors vraiment trouble (marron comme l’Atlantique sur les côtes de Guyane). J’observe le pont à ma droite et je me dis que, même si il va m’être utile pour l’aide à l’orientation (il suffit de rester parallèle à lui), ça ne va pas être aussi facile que je ne l’avais prévu. Je sais qu’environs 110 m séparent chaque pilier, mais les compter en nageant est impossible. Pour rappel, j’ai un tuba frontal et je ne nage pas en sortant systématiquement la tête de l’eau pour respirer. Donc, compter les piliers au fur et à mesure de la progression est un exercice presque impossible.

 Au loin, j’aperçois le bateau du club « Subaqua ». Monsieur Roy, l’organisateur, nous a expliqué que vers la fin du parcours, il nous fallait passer près de ce bateau pour se faire identifier et, obligatoirement, toucher sa coque. Il est assez gros, on ne le loupera pas. Je suis vraiment excité et j’ai envie que ça démarre… Un coup de klaxon du bateau … C’est parti pour ma seconde épreuve ! Une fois de plus, j’ai bien fait de me poster devant. Je ne subis pas les remous et la cohue du départ. Mais en plus, cette fois ci, il se passe quelque chose de spécial… Je démarre devant avec un petit groupe constitué d’une dizaine de nageurs. L’horizon est dégagé et nous ne nous faisons pas submerger par le reste du peloton. Pourtant, ce sont bien, au moins, plus de 80 nageurs qui sont derrière nous. En fait, nous avons pris l’ascendant et je suis dans le peloton de tête ! La satisfaction, à ce moment là, est immense… L’essoufflement aussi… : le rythme de mon souffle m’aide à appréhender ma vitesse. S’il est rapide c’est que je suis en train de fournir un effort important et que mon déplacement sur l’eau doit être rapide. A l’inverse, si je suis trop tranquille c’est que je dois nager plus lentement. Le problème, c’est de ne pas être trop « vite » au début. C’est d’ailleurs, pour un débutant comme moi, le gros souci. Je me connais encore mal et je ne sais pas très bien gérer mon effort. Trop lent et je perds du temps, trop vite et je serai « rincé » bien avant l’heure. Je me rassure en pensant aux efforts que j’ai fournis à l’entraînement, notamment en travail de résistance : « allez, rappelle toi quand tu grimpais la côte du de Rochegrises en courant…-Me dis je -Ca DOIT tenir, te fais pas de soucis» Je suis avec un nageur qui palme comme un dingue sur son hydro speed (sorte de planche sur laquelle le nageur appuie le haut du corps) et un monopalmiste. Le rythme me convient et je décide de rester avec eux. Au bout d’un petit moment, mes deux compagnons s’échappent. J’ai suffisamment de jus pour les suivre, mais je préfère me préserver. Comme je l’expliquai plus haut, il m’est très difficile de me situer sur le parcours. Cependant, le pilote du bateau du club organisateur à eu l’excellente idée de démarrer juste devant nous, à distance raisonnable pour ne pas nous intoxiquer avec ses gaz d’échappements, et de faire route, à petite allure, vers l’île. Ce faisant, nous n’avons que suivre son sillage sans trop se compliquer la vie à « naviguer » dans le bons sens. Cela ne m’empêchera pas, de temps en temps, de lever la tête et de voir, face à moi, la magnifique construction du pont, qui, bien que ce soit un chef d’œuvre de technologie, doit rester à ma DROITE. Hé oui, sinon je palme pour rien. Ré c’est à l’Ouest, pas au Nord…

Mon traditionnel point de côté commence à apparaître. Cela m’énerve autant que cela me satisfait. Comme ce phénomène se manifeste pratiquement systématiquement au bout de 1200 m de nage, cela veut dire que je suis en train d’approcher le milieu du parcours. Habitué désormais de ce petit désagrément, je me dis que, de toute façon, ça ne va pas tarder à disparaître. Je continue à nager en m’appliquant à ne pas oublier de soutenir mon palmage. Ce n’est pas évident mais il faut y penser. Si on se laisse un peu aller, on diminue l’intensité et on avance moins vite. C’est évident quand on l’écrit, mais quand on le vit c’est autre chose. Il ne faut pas oublier que par rapport à d’autres types de courses du style vélo ou courses à pied, on a une sensation de vitesse et de déplacement. Là, ce n’est absolument pas le cas. Et en tant qu’ancien pilote de kart, je sais de quoi je parle !! Je lève la tête et je m’aperçois que le bateau est très proche… et l’île moins petite. J’approche du but …

J’accentue mon palmage mais je me reprends aussitôt. Attention, on n’est pas encore au bout et il faut garder de « la patate » en cas de duel/ sprint au finish. Du reste, si le nageur qui progresse en hydro speed,  à pris du large (les coups de palme qu’il balance dans ce pauvre Atlantique sont vraiment impressionnants) et il est désormais difficilement rattrapable, ce n’est pas le cas du monopalmiste qui est désormais à ma hauteur et qui semble avoir baissé sa cadence. Je touche la coque du bateau et je lève les yeux vers le pont. J’arrive à compter 3 piliers jusqu’à la plage, soit environs 300 m. Un sprint de 300 m c’est jouable mais j’ai jamais essayé et surtout, jamais avec plus de 3 Kms dans les palmes ! En accélérant, je me débarrasse du nageur mono mais je me contiens quand même. 300 m c’est long et il n’est plus question d’abandonner ou de se laisser rattraper. Je n’ai pas été doublé et se serait dommage de se « cramer » si près du but. Aussi, je poursuis mon effort en conservant une allure raisonnable. La côte approche mais pas si vite. Je continue. Le nageur en hydro n’est pas trop loin mais je comprends que ce ne sera pas possible de le rattraper. Il est en forme le bougre !! Je palme encore, je suis proche maintenant dans les eaux peu profondes de la plage, j’accélère à fond et je termine dans les pieds de Monsieur Roy, le (très) gentil Organisateur. Je suis à bout de souffle. Il me dit mon temps : 37’’ … Je me lève et j’arrache mon tuba : « Combien ??!! » « 37 » … Incroyable. Je viens de parcourir 3 Kms et 600 m et 36 minutes et 47 secondes ! Soit moins de temps que pour ma première course pourtant effectuée sur une distance plus courte !! La cerise sur le gâteau c’est ma position ; huitième au général et second dans la catégorie des bipalmes. C’est gé-ant…

Après la traversée, Jérôme et moi nous rendons sur Ré pour déguster un plateau de fruits de mer bien mérité. Je suis installé sur la terrasse du petit bistrot dans lequel nous avons décidé de jeter notre dévolu avant de reprendre la route vers le sud. J’observe le pont et je ressens un immense sentiment se plénitude. En même temps, une petite voix, en moi, me dit : « Tu l’as fait… »            

Publié dans Courses

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